Je n’identifie pas la danse à la production du geste, mais à l’organisation d’un espace dynamique. Quand je projette une motricité, je danse. Sans anticipation de son mouvement, un interprète peut bouger par habitude mais n’est en rien entrain de danser.
Lors de cette résidence de saison à micadanses, je souhaite approfondir et renouveler l’axe de mes projets où les danseurs sont co-créateurs de la partition chorégraphique. Ma volonté est de les associer encore plus à la composition, afin que chacun mesure la portée de ses désirs et de ses actes dans le futur pour le collectif.
Toutefois, je n’abandonne pas pour autant un travail d’auteur plus classique. Car c’est dans le dialogue entre plusieurs formes que se réalise mon écriture.
1.
Ce positionnement m’amène à venir stimuler la créativité des interprètes par un travail corporel qui les relie à leur axe médian, endroit à partir duquel nous pouvons développer une sensibilité pour percevoir, avant même l’accomplissement d’un acte, sa résonance. Toutes nos actions, alors, coulent de source et l’anticipation est une question d’intuition.
Cette pratique nourrie le processus de création de « Gris », qui sera créé au Centre Pompidou en février 2016.
Carole Garriga, Margot Dorléans, Deborah Lary et Véronique Weil évoluent et se rencontrent dans un espace très restreint. Les corps des unes masquent et découpent celui des autres, induisant apparition et disparition de formes.
Dans ce brassage des corps, les danseuses explorent leurs relations : passent du corps à corps, au face à face, à la prise de distance, tournent les talons, se rapprochent, se déchirent, se chiffonnent, se prennent le bec, se mettent en boules, se mettent à dos.
Elles sont en prise avec les lois de l’altérité, en prise avec le flux qui les met en mouvement : leurs émotions.
2.
D’autre part, ceci me pousse à créer un système ingénieux, qui autorise les danseurs/chorégraphes à prévoir et à mettre en ordre les facteurs de mouvement de la partition, en fonction de leur perception, leurs émotions et leur vision du déroulement global de la pièce.
Ainsi, pour un projet qui sera créé en février 2017 au Théâtre de Gennevilliers, nous développerons une interface numérique permettant à chaque danseur de venir à tour de rôle écrire et composer une partition en temps réel. La proposition est envoyée vers des écrans, lue et dansée en « live » par le reste du groupe, qui en donne une interprétation que l’on prend soin de filmer.
Pour la composition, je choisis à partir des images récoltées, les moments qui offrent superpositions, juxtapositions et qui ouvrent l’imaginaire, puis je les agence.
Le dispositif informatique ne sert que pendant la création, son but est de générer des situations et de permettre aux interprètes de développer une vision de la totalité de la pièce. Au final le soutien numérique disparaît complètement.
Dans les années quatre vingt dix lorsque j’ai commencé à développer mon travail, je désirais donner forme à une danse animée par une force interne, une présence qui habite le mouvement. Aussi je me suis posée la question du souffle, et ne trouvant nulle réponse dans les formes de danse contemporaine que j’ai rencontrées, je me suis intéressée aux arts du corps venant d’orient, qui intègrent de façon profonde le souffle dans leurs pratiques. Je me suis inscrite à L’Ecole Française de Yoga (EFY) et je me suis formée au yoga de l’énergie, un yoga occidental d’inspiration tibétaine.
Initiée aux techniques respiratoires d’une manière intensive, je me suis permise de les déployer dans un mouvement libre, une danse. Ainsi j’ai pu observer que lorsque la motricité du danseur est induite par la respiration, les transferts d’appuis se font par leviers et d’un point à un autre point d’une grande proximité. Le poids se dépose, les chairs sont pressées et massées. Il y a libération d’une énergie, d’une émotion, qui s’empare de la personne et l’anime pour l’amener vers un nouvel appui. Le poids se transfert d’une petite partie de corps à une autre, et engendre à chaque instant une suspension, un équilibre. Du point de vu du spectateur le temps se dilate, et paradoxalement le corps semble, malgré son engagement au sol, comme soulevé par l’air, en état d’apesanteur.
Cette pratique d’origine tibétaine considère le mental comme étant indissociable des cinq canaux sensoriels : visuels, auditifs, kinesthésiques, olfactifs et gustatifs (V.A.K.O.G). Le mental est dans ce cadre un véritable organe dont le pratiquant apprend le maniement : mis en mouvement par le souffle, il est élastique attentif et sensible. Il danse dans l’espace interne et externe, s’y dilate, se rétracte, s’y déploie, tourne, circule, spirale, se pose, crée des objets, les déplace, les aspire. Aussi m’a-t-il semblé pertinent, d’explorer comment cette entité mentale, faite de l’attention et du V.A.K.O.G, peut s’approprier les notions du mouvement dansé, rationalisées par Laban.
La cinétographie Laban me permet d’écrire et orchestrer des focales de natures différentes, que je soumets à l’appréciation des interprètes avec lesquels je collabore. Afin qu’ils mesurent le devenir de chacun de leur geste dans le contexte de la pièce, je leur propose des partitions comprenant des indications ouvertes, qui viennent provoquer chez eux des prises de décision. Ainsi le déroulement de la performance est tributaire du choix de l’interprète, qui est responsable au même titre que le chorégraphe du devenir de la pièce. Il doit augmenter son écoute, sa compréhension, affiner sa sensibilité pour bien mesurer la portée de ses actes.
Myriam Gourfink – juillet 2015
Pas de dépôt de dossiers pour des résidences annuelles en ce moment
Pour déposer une demande de résidence d’interprète et d’accompagnement spécifique il faut déposer le dossier 5 mois avant la période d’accueil demandée.
3 dates butoirs : 30 janvier / 15 mai / 30 septembre
Toute compagnie accueillie en résidence doit s’acquitter des droits d’adhésion à l’association de 30 euros.
Comment postuler ?