« Practicability », que l’on peut traduire par « Faisabilité », est le terme que William Turner utilisait, lors de ses conférences, pour expliquer le processus d’effacement d’une partie de ses tableaux pour le recommencer à nouveau. Il utilisait du blanc qu’il recouvrait bientôt de couches d’autres couleurs.
Le terme turnérien de faisabilité m’interpelle dans le sens où il ouvre, loin de l’idée habituelle du repentir et de la perte, à la fois sur la non inscription définitive, sur les champs libres et sur la superposition de couches. Ainsi face à ces champs libres, se pose la question de l’inscription mémorielle. Jusqu’où les mémoires personnelles ou historiques s’inscrivent elles dans nos corps, nos esprits et s’effacent-elles ? Jusqu’où les objets du quotidien jouent-ils un rôle d’ancrage de la mémoire et peuvent-ils permettre le mouvement libre ?
La pièce chorégraphique joue sur les contrastes : calmes et saturations, lenteur, simplicité et combinatoires complexes, citations chorégraphiques et inventions gestuelles.
Ainsi au sein même de la partition chorégraphique de la pièce, se trouvent des mouvements caractéristiques de chorégraphes, -des citations-, tels que des sauts d’Isadora Duncan, des mouvements de mains de Maurice Béjart et ceux du Faune de Vaslav Nijinski, quelques combinatoires de Merce Cunningham et d’autres chorégraphes. C’est dans cette optique que j’ai décidé d’introduire l’intégralité de Water study d’Isadora Duncan, transformé par une lenteur extrême. Cette danse, comme une grande citation, est interprétée par Elisabeth Schwartz.
La composition chorégraphique s’appuie sur les directions de la kinesphère de Rudolf Laban mais démultipliées dans l’espace. Elle fait appel, à la fois, à la dissociation et aux jeux de contamination gestuelle des danseuses entre elles.
Au commencement de la pièce, Practicability est construit selon le processus de composition instantanée, sur une partition temporelle définie qui permet de « voguer » sur la musique de John Cage First construction in metal.
Aussi les danseuses, dans un premier temps, tendent à faire jaillir une musicalité d’ensemble par des états de corps et des gestuelles partagés, puis, dans un deuxième temps, progressivement par leur qualité kinesthésique propre à chacune d’elles, elles créent des divergences. Se déploie un paysage chorégraphique en constante évolution.
Un lacis de couches sonores et chorégraphiques se met en place.
Le parti-pris de la musique est celui de la saturation. C’est pour cela que j’ai fait appel à une composition musicale: reggaeton, folklore chilien, musique expérimentale et musique électronique… Cette saturation musicale donne à entendre une recomposition sonore dont la dimension parfois pléthorique peut imposer le retour au silence.
Ce paysage chorégraphique bien que très composé, par ses saturations, convoque la vision d’un chaos. Les lignes de tensions spatiales entre les danseuses tendent à se dilater. Mais elles engendrent un affinement perceptif de l’espace et du temps.
C’est pourquoi au sein de ce chaos, l’imaginaire d’un rituel est convoqué. Les objets accumulés dans l’espace et appartenant à différents temps, sont manipulés. Des actions qui règlent notre quotidien, telles que manger, se vêtir, sont présentes. Et pourtant rien ne freine les mouvements des danseuses, ni n’arrête leur circulation permanente dans l’espace.
Faisabilité, ce terme signifie que nous pouvons agir, tomber, écouter, recommencer, résonner avec le monde, chuter, effacer, se faire l’écho… Cette insistance traduit nos élans de vie.
Practicability s’affirme au féminin. C’est un quartet de femmes : Quatre danseuses
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Durée : 1h00
Chorégraphie : Maria Jesus Sevari
Danseuses : Juliette Morel, Yasminee Lepe, Elizabeth Schwartz et Maria Jesus Sevari
Inspiration littéraire : Turner, Peindre le rien de Lawrence Gowing
Photo : Laurent Paillier
Scénographie 3D : Gabriel Tapia Stocker
Costumes : Caroline Witzmann
Graphique : Pablo Labarca
Musiques : In a lanscape et First Construction in Metal de John Cage, Safari de J. Balvin,
Sube a nacer conmigo hermano Los Jaivas, Magenta Riddim de DJ Snake, Lacrimosa – Requiem de Mozart, Ach Gott, wie manches Herzeleid : III Aria de Bach, Diffrent trains, Electric couterpoint de Steve Reich, Vexations de Satie, Grande messe des morts – Requiem de Berlioz, Masekd Ball de Jocelyn Pook, Chant chamanique n° 1 et 19 de Lola Kjepja
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Pour déposer une demande de résidence d’interprète et d’accompagnement spécifique il faut déposer le dossier 5 mois avant la période d’accueil demandée.
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