Depuis plusieurs années, micadanses porte une attention particulière au soutien, à l’accueil et au développement de projets liés au handicap : cours, ateliers, résidences de création, diffusion de projets accueillis en résidence dans le cadre du festival Bien fait !. La réflexion sur cette problématique de la danse et du handicap, qui revêt de nombreux aspects – formation des danseurs et créateurs, possibilités de reconnaissance, conditions de réception de ces propositions artistiques – conduit à poser de manière plus visible tous ces enjeux et d’assumer ces créations aux côtés d’autres spectacles.
Faits d’hiver (également mis en oeuvre par l’ADDP), donne une place de plus en plus affirmée à l’expression de ces projets chorégraphiques. Le volet danse et handicap s’inscrit comme l’un des axes de développement du festival avec la création d’une section intitulée « Autre regard » co-programmée avec une personne en situation de handicap. Préfigurée depuis deux éditions, « Autre regard » a pour objectif de poser de manière nouvelle et puissante la visibilité de ces corps, de ces œuvres peu reconnues voire ignorées au sein d’un festival ouvert à un large public. C’est aussi l’occasion de montrer des travaux remarquables venus de l’étranger. Parallèlement, des stages à destination de publics mélangés, des projections et des débats seront organisés à micadanses au moment du festival.
L’ensemble doit embrasser les divers questionnements que soulèvent ces formes artistiques, la vie de ces artistes eux-mêmes, la place que nous leur réservons. Il nous semble aujourd’hui urgent d’oser concrètement cette démarche. C’est également une manière de fédérer au fur et à mesure un nombre d’acteurs déjà actifs sur ce sujet.
LESS IS MORE, VÉRONIQUE FRÉLAUT
La compagnie kalam a été accueillie en résidence pour Less is more qui porte au plateau des interprètes en situation de handicap. La pièce s’inspire de la recherche du plasticien Sol LeWitt : Une ligne se décline, construit et déconstruit un contenu, dévide un espace cubique, démultiplie lieux, volumes et points de vue de manière ludique, ouvert à l’imaginaire de chacun-e. Autour d’un dispositif scénique qui croise une culture chorégraphique et plastique, se tisse une expérience humaine qui déplace les regards, les codes esthétiques et questionne les critères d’une œuvre où le « moins » est porteur de l’art et touche à l’essentiel.
À la question « Qu’est-ce qu’un handicapé ? », la psychanalyste Simone Korff-Sausse répondrait « celui qui te fait croire que tu es normal… ». La nécessité de cette création s’impose à Louise Hakim, danseuse, chorégraphe et mère d’un enfant dit “anormal” qui travaillera lors de cette première résidence à l’élaboration les premiers traits d’une figure/personnage entre sainteté et monstruosité, malice et maladresse. Il s’agira d’écrire son mouvement, son déplacement, son déploiement dans un monde imaginaire où la notion de normalité est, à chaque tableau, remise en jeu.
Jeanne Borgel se forme à micadanses au sein de l’Entraînement régulier de l’artiste chorégraphique et développe avec Et alors ? son premier projet de création. Une enfant née en situation de handicap. La danse, un moyen d’expression quotidien, un défouloir. Un échappatoire permettant de transcender le réel. Cette pièce autobiographique revient sur son parcours de vie, les outils qu’elle a développé et le combat de chaque jour pour devenir danseuse professionnelle.
Mr Slapstick du chorégraphe Pedro Pauwels, artiste en situation de handicap a été soutenu à la création par micadanses. Pedro Pauwels se confronte avec cette nouvelle création à la figure de Buster Keaton, monstre sacré du cinéma muet. Une création présentée à micadanses dans le cadre de Faits d’hiver 2024.
L’idée de cette création est née d’une recherche au long cours (2012-2019) en immersion en milieu hospitalier autour de la question de la réappropriation sensible du corps par les patients et les soignants. Le fondement de cette pièce prendra racine dans l’expérience de corps de danseuses circassiennes porteuses de handicaps apparents ou non. Les recherches se feront selon une écriture méthodiquement instinctive, le corps devenant comme un manifeste d’une symbiose au sein de l’écosystème créé.
Cette conférence dansée fait écho à Tout ce fracas, pièce fondamentale dans le rapport que Sylvère Lamotte a développé avec des corps en souffrance, en réhabilitation, pièce elle-même en résonance avec des années de pratique en milieu hospitalier. Ce rendez-vous est l’occasion d’affiner, de relancer ce travail avec Magali Saby, danseuse en situation de handicap, dans un dialogue rapproché, une connivence éprouvée. L’un et l’autre affrontent cette ligne de fracture sur laquelle leur désir de danse se retrouve, au-delà de leurs parcours respectifs bien différents. Ils dansent donc leurs faiblesses et leurs forces, leur vibration vitale, cette nécessité impérieuse, qui se dévoile commune.
L’un est sourd, conteur et cartomancien ; l’autre est musicien. Ils sont deux voisins amenés par les vicissitudes quotidiennes à se rencontrer, à partager et rêver ensemble dans une trame nourrie d’évocations d’Alice au pays des merveilles, parfait paysage à la fantaisie, à la liberté de penser et d’inventer. Du sens au non-sens et vice versa, le voyage dans l’imaginaire est surprenant, nourrissant et source d’émerveillement. Des extraits du conte sont traduits en langue des signes et d’autres en un langage inventé. Mis en bouche, en son, en mouvement, ils sont les symboles de l’absurde créatif et du raisonnable détourné. Dans ce bal facétieux, une histoire d’amitié inattendue se noue, elle aussi source d’une créativité heureuse et fabuleuse.
Le duo Fila Fila Manani témoigne et nous interroge. Que faire de cette amoncellement plastique nommé déjà continent flottant sur l’océan, comme une verrue monstrueuse et comme une dénonciation de nos sociétés, consommatrices, aveugles, irrespectueuses ? Que faire ? Un duo interprété par Tidiani N’Diaye et Thumette Léon, en chorésigne.
Bernardo Montet a construit ce programme remarquable pour la Troupe Catalyse intégrée au Centre National pour la Création Adaptée, basé à Morlaix. Remarquable parce qu’il propose trois pièces complémentaires de répertoire : May B de Maguy Marin, L’œil, la bouche et le reste de Volmir Cordeiro et Le soleil du nom, solo fétiche de Bernardo. Remarquable également car plus que des adaptations, il s’agit de revisitations pleines et entières, digérées, maîtrisées, absolument justes dans l’esprit, donc nécessaires à partager avec le plus grand nombre. Sans concession ni atermoiement, les membres de la troupe tracent une voie originale en faisant absolument danse.
La Mort du cygne chorégraphié par Fokine en 1905 n’avait jamais été repris. Un siècle plus tard, Pedro Pauwels s’attaque à ce mythe de la danse, mais en changeant les données. Il demande à Anne-Marie Raynaud, Odile Duboc, Carolyn Carlson, Françoise Dupuy, Elsa Wolliston, Wilfride Piollet, Patricia Karagozian et Zaza Disdier, huit femmes chorégraphes dont l’œuvre, l’univers et la philosophie l’intéressent de créer une chorégraphie sur ce thème.
NYST explore une danse interprétée par les mots en direct et qui, en improvisation, répond, reprend, et finalement se construit à deux voix. Un duo interprété par Mellina Boubetra et l’audiodescriptrice Julie Compans.
Au cœur d’un cercle de liens tissés avec le public, le corps dansant s’embarque dans une spirale sans fin, où résonnent, entre mots et chants, les histoires échangées, la complexité de la maternité, notre responsabilité envers l’enfance. Un solo accompagné, comme une balade intime partagée. Un duo interprété par Juilo Nioche et signé par Anne Chevalme.
THE POWER (OF) THE FRAGILE, MOHAMED TOUKABRI
Parmi les trois représentations de The Power (of) The Fragile, une séance « douce », inclusive, avec un accueil adapté aux personnes en situation de handicap, a été organisée au Théâtre de la Bastille. Un bord plateau a suivi la représentation.
MALDONNE, LEILA KA
La nouvelle création de Leila Ka a été présentée en audiodescription et précédée d’une visite tactile à Malakoff scène nationale