Éditions du soir, le rendez-vous de l’édition en danse, met en lumière des ouvrages qui marquent l’actualité de l’édition en danse.
Animée par le journaliste Philippe Verrièle et Christophe Martin, directeur de micadanses-Paris, la rencontre est suivie d’un verre et de la dédicace des ouvrages.
Avec la participation des auteurs et des éditeurs.
➥ gratuit sur réservation
« La sélection des ouvrages pour la 4ème des Éditions du Soir a connu quelques vicissitudes. Ne pas s’étonner dès lors du caractère un rien disparate de ce choix qui, par ailleurs, reflète aussi la grande diversité des façons d’appréhender le monde chorégraphique via le livre. Nous avons retenu, et dans le désordre, une approche philosophique, une étude consacrée à une grande figure du passé, les contributions d’un colloque, une réflexion à partir d’une pièce importante, une étonnante enquête littéraire sur un mythe de la culture populaire qui a fortement influencé la vision que le grand public se fait de la danse. On pourrait faire encore plus divers, mais c’est déjà pas mal, non ? »
Philippe Verrièle et Christophe Martin
Christine Leroy
Éditions Hermann, 2021, 188 p.
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Cette enquête repose sur l’étude du phénomène d’empathie kinesthésique en danse-théâtre, pour en révéler les enjeux éthiques. La contagion émotionnelle, kinesthésique et gravitaire, à l’œuvre en danse, entre les performeurs en scène et les spectateurs, est décrite au prisme de la phénoménologie de l’intentionnalité et des concepts merleau-pontiens de « chair » et d’entrelacs synesthésique. Le premier temps de cet essai explore la nature proprioceptive et charnelle du ressenti du spectateur pour ce qui meut l’interprète sur scène. Le deuxième temps fonde l’aperception empathique d’autrui sur le corps-vécu, afin d’attester de l’ancrage charnel de l’éthique et du souci d’autrui. L’objectif de cet essai est de mettre en évidence le pouvoir de soin-care des pratiques chorégraphiques par le jeu avec la gravité, ce qu’initie le troisième temps ; un tel « soin » étant à entendre au sens éthique plutôt que thérapeutique.
Christine Leroy
Christine Leroy, agrégée de philosophie et docteure en esthétique, est chercheuse en phénoménologie. Elle est l’autrice de La Phénoménologie (2018) et de Phénoménologie de la danse (2021)
-> Le mot des programmateurs
Publié au moment où les débats alternaient entre masques ou vaccins, cet ouvrage pose la danse – et l’œuvre dansée – comme expression du soin que se doit l’homme. Parfois un peu confus et pas exempt d’erreurs, mais modeste et donc propre au débat. Ce n’est pas du plus simple, mais faut-il toujours se contenter de ce qui est simple au risque d’être simpliste ?
« Les qualificatifs ne manque pas pour désigner la répercussion du geste scénique dans le corps du spectateur.
Une première question se pose quant à une telle incidence du corps mis en scène sur le spectateur : l’émotion éprouvée charnellement relève-t-elle de l’empathie esthétique […] ? Relève-t-elle plutôt de l’empathie psychologique et morale […] ? » p.23
Sous la direction d’Arianna Fabbricatore
Éditions Hermann, 2019, 356 p.
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Peut-on penser une histoire européenne de la danse ? Quel rôle la danse a-t-elle joué dans la construction des identités nationales en Europe ? Comment a-t-on représenté la figure de l’étranger ? Par quels indices peut-on identifier les figures de l’altérité ? Quelle a été l’influence des discours sur les corps des danseurs européens ?
En dépassant les frontières réelles et symboliques, disciplinaires et géographiques, cet ouvrage met en lumière, de façon inédite, l’identité fragmentaire de l’Europe en interrogeant la richesse de ses pratiques chorégraphiques entre 1687 et 1914. Page après page, il met à jour le processus de construction des stéréotypes en soulignant les déformations du réel provenant des discours nationalistes du spectateur, du critique, voire de l’historien. Il montre ainsi un nouveau visage de l’Europe, vue à travers le prisme singulier de la danse et de sa culture.
Arianna Fabbricatore
Professeure agrégée et docteure en philosophie, Arianna B. Fabbricatore (Sorbonne Université) est spécialiste en esthétique théâtrale et théorie du spectacle vivant. Elle a créé et dirigé le programme international Herméneutiques de la danse consacré au développement interdisciplinaire d’une nouvelle compréhension de la danse en tant que langage au sein des arts.
-> Le mot des programmateurs
Pas vraiment médiatisée, cette publication qui reprend les contributions du colloque La danse et les nations : identités, altérités, frontières (17e–19 siècles), Paris 26–28 octobre 2017, propose, avec une belle cohérence dans la diversité, d’étudier les manifestations de cette circulation des œuvres dansées et de leur auteurs et interprètes dans l’espace européen. Souffrant de ses limites au regard d’un sujet énorme, l’ouvrage offre cependant de passionnantes perspectives de réflexion.
« La représentation d’autrui et la connotation des pratiques –avec par exemple l’opposition des styles appeler « italien » et « français» – ont nourrit un filon de discours nationaliste et un processus d’appropriation culturelle qui mérite d’être étudié dans leur contexte européen. » p.9
sous la direction de Jean-Christophe Bleton et Philippe Verrièle
Éditions Riveneuve – collection Univers d’un artiste, 2024
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Selon une idée d’Engels (elle-même reprise à Hegel), « à partir d’un certain seuil, la quantité devient une qualité ! » Avec la création du troisième volet du projet Bêtes de Scène, le constat s’impose avec une forme d’évidence. Rappelons : sept danseurs puis autant de danseuses, tous riches d’une carrière plus que conséquente, entrent en piste quand l’usage voudrait qu’on ne le fît plus à cet âge… Puis tout le monde s’est retrouvé pour un troisième opus, Ne Lâchons rien, titre qui en soi dit beaucoup.
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ces quatorze artistes ont été danseurs et danseuses de 1972 à aujourd’hui dans près de 700 créations présentées en France et à l’étranger au cours de ces 50 dernières années. Tous en ont donc croisé de plus anciens et ont été nourris d’une histoire chorégraphique en mouvement. Plusieurs d’entre eux ont aussi mené une carrière de chorégraphe et ont créé environ 300 pièces, dirigeant à peu près 1 300 interprètes… L’addition de l’âge de toutes ces « bêtes de scène » approche le millénaire !
D’où cet ouvrage, sorte d’essai d’ego-histoire (le concept est de Pierre Nora) dans lequel l’histoire personnelle croise aussi le général. Alors, multiplié par quinze – comptant Jean- Christophe Bleton, le chorégraphe à l’origine de cette idée un rien folle –, ces parcours offrent un retour passionnant sur un pan entier de l’histoire de cette collectivité singulière des danseurs actifs en France au cours de la seconde moitié du XXe siècle (et un peu au-delà) !
-> Le mot des programmateurs
Cette collection part d’un corpus d’œuvres pour aborder une problématique plus générale et à travers elle, un auteur chorégraphe. Cette fois, tout est là, à cette nuance qu’il s’agit d’une seule œuvre parce qu’elle est l’aboutissement d’une démarche commencée avec deux autres, que la problématique est double – à la fois l’âge des danseurs et à travers celui-ci l’histoire qu’ils ont traversé – et que le parcours du chorégraphe plus complexe qu’on l’imaginerait.
« […] le réel, c’est quand on se butte disait Lacan et, à force de parler de Jeune Danse, il fallait bien que l’on finisse pas rencontrer des vieux. Tant on ne reste pas Jeune Danse impunément et en permanence… Sur le fond, devoir se poser la question de danseurs âgés sur un plateau est plutôt une bonne nouvelle […] . » p. 15
Martine Kahane
Éditions Classiques Garnier, 2024, 528 p.
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Dans Le Fantôme de l’Opéra Gaston Leroux nourrit d’une abondante documentation et d’épisodes vécus trois thèmes : un reportage sur l’Opéra Garnier, un roman d’amour et une histoire fantastique. Cette étude est une enquête sur la genèse du livre, ses sources et inspirations, son écriture et son destin.
Martine Kahane
Conservatrice générale des bibliothèques, Martine Kahane s’est attachée pendant trente-cinq ans à participer à la constitution de la mémoire de l’Opéra de Paris. D’abord directrice de la Bibliothèque-musée de l’Opéra (qui dépend de la Bibliothèque nationale de France), elle a ensuite créé et dirigé le service culturel de l’Opéra national de Paris. Le Palais Garnier est sa terre d’élection, le xixe siècle sa période favorite, la Petite danseuse de quatorze ans de Degas son œuvre préférée, d’où une vingtaine d’expositions et autant de publications sur l’architecture de Charles Garnier, les ateliers de costumes, le Ballet de l’Opéra, les Ballets Russes de Diaghilev ou encore le modèle du sculpteur. Martine Kahane a été directrice du Centre national du costume de scène, institution unique et atypique consacrée au patrimoine matériel des théâtres, qu’elle a ouvert en juillet 2006 à Moulins dans l’Allier. Elle est aujourd’hui présidente des Arts Florissants.
-> Le mot des programmateurs
Certes, « l’œuvre est aujourd’hui passé du domaine du livre à celui du spectacle », mais le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux reste à la fois un hymne littéraire au palais Garnier. Le théâtre est à la fois lieu fantasmatique de la culture la plus élevée – l’art lyrique et chorégraphique – et, via les livres, monument de la culture populaire. Et cette dualité explique son influence sur une certaine perception de l’art du ballet dans ladite culture populaire quand bien même la danse n’y soit pas centrale. Mais, comme Les Mystères du Grand Opéra de Léo Lespès ou les Les Petites Cardinal de Ludovic Halévy, cette vérité romanesque faite de mensonges romantiques, influence encore aujourd’hui la perception de toute la (les) danse(s). Il fallait celle que l’on appela longtemps « La Veuve Garnier » pour démêler tout cela !
« En prenant Gaston Leroux comme guide, entamons un parcours à travers les lieux du Fantôme dans le palais Garnier, dans les étages, dans les caves, dans les espaces publics comme dans ceux de travail, en traversant cette frontière à la fois bien réelle et symbolique qu’est la fosse orchestre. » p. 183